vendredi 24 juillet 2009

Une mondialisation imaginaire?


Un sondage réalisé l’année dernière indique que 41% (1) des Français sont favorables à la préférence nationaleen matière d’emploi (contre 61% en 1990). Pareille crainte que la main d’oeuvre étrangère exerce une concurrence déloyale et inopportune est d’autant plus absurde qu’un tel péril est imaginaire.

Imaginons que la mondialisation des flux de main d’oeuvre soit une réalité et que français et étrangers deviennent interchangeables aux yeux des employeurs. Le ”traitement de faveur” dont bénéficie toujours une population locale dans l’accès à l’emploi sur place serait aboli grâce à la suppression de toutes les barrières administratives, géographiques ou linguistiques. Dans ce cas limite, les chances qu’un français aurait d’être embauché localement ne devraient pas excéder celles qu’indique la proportion de nos compatriotes dans la population active mondiale (2) qui s’élève à un peu moins de 1%. Or 93,8% (3) de la population active vivant en France est de nationalité française, ce qui démontre l’existence d’une puissante préférence nationale en matière d’emploi. Grosso modo, les chances pour un étranger d’occuper un emploi à la place d’un français sont
100 fois plus faibles que dans le scénario d’un monde sans frontières. La proportion d’étrangers résidant en France étant la même qu’en 1930 alors que depuis cette date la population mondiale à été multipliée par 3, on se convaincra aisément que le degré de protection dont bénéficient les salariés français, du fait de leur nationalité, s’est bel est bien renforcé.

Cet “
effet frontière“, qui illustre la permanence des nations et la spécificité de la main d’oeuvre française, ne constitue pourtant pas un instrument efficace de lutte contre le chômage. En travaillant à partir des données de l’OCDE (3) on remarque que le “degré de préférence nationale pour l’emploi” varie bien plus entre les pays que leur taux de chômage respectif. Si l’on ne retient que les pays de dimension comparable à la France on note qu’un “coefficient de protection” de la main d’oeuvre locale plus important ne se traduit pas par un chômage plus faible (Italie) et qu’une exposition plus forte à la concurrence étrangère ne rime pas avec plus de chômage (Royaume-Uni). La plupart des emplois occupés par des étrangers ne se substituent pas à ceux que possèdent les nationaux mais s’ajoutent à ces derniers. Comme les deux populations sont moins concurrentes que complémentaires sur le marché du travail c’est en créant plus d’emplois que l’on améliorera certainement le sort des nationaux.

(1) Enquête ARVAL réalisée tous les 9 ans. “
Les Français sont de vrais libéraux” Louis Maurin. Alternatives Economiques, n°282, Juillet-Août 2009.
(2) La population active désigne le potentiel de main d’oeuvre d’une économie, c’est-à-dire les personnes en emploi ou au chômage.
(3)Chiffres 2002. voir “
Les migrations dans les pays de l’OCDE“, Problèmes Economiques, n°2851, 2008.

1 commentaire:

  1. Il me semble me souvenir que Borjas avait fait des études économétriques assez complexes pour déterminer quelles populations de travailleurs sont complémentaires/indépendantes/substituables.

    Si je me souviens bien, les travailleurs peu qualifiés nationaux et étrangers sont le seul "couple" de travailleurs substituables, mais à un degré tellement faible que l'immigration n'a pas d'impact visible sur le niveau des salaires ou sur le chômage.

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